Un dimanche après-midi, j’arrive à Bacongo, avenue André Gérard-Matsoua, le coin réputé des sapeurs. La chaleur est écrasante. Le sol réfléchit la lumière avec violence. Et les rues sont désertes; au bout d’une ruelle pourtant, j’aperçois des sapeurs. Traversant la rue, j’ai l’impression de franchir une frontière et me retrouve tout à coup dans un bar, au milieu d’une grande pièce dans laquelle un spectacle inimaginable, quelque mètres plus loin. Bat son plein. Devant moi se joue la plus grande des batailles de la mode. Aux parisiens tout droit débarqué de France, la communauté des sapeurs locaux fait face. C’est l’occasion de vibrer aux souvenir de la France et de l’histoire, mais seules comptent les couleurs : bleu blanc rouge. Ici on joue seulement une guerre de style.
La compétition est dure, rythmée par les cris du public. Sur la chaussé goudronnée, la circulation devient gênante et les sapeurs emboîtent le pas des voitures pour exhiber leur tenue et entrer dans la danse.
Assis sous une paillote ou au pied d’un manguier, d’autres attendent que le soleil éclate afin d’éviter que la sueur ne mouille leur costume… La tension mente autour des cravates, des bretelles et des vestes siglées.
Tous parfont leur style avec des proverbes bien sentis, mais la victoire appartient aux tenus de marque, cousues sur mesure.
A quelques pas de l’église saint-Pierre Claver, dans la cours, les fidèles venus acclamer seigneur, larmes aux yeux, perdent leur saint allant et se tournent vers le spectacle profane qui leur fait face.
Improbable moment de grâce, la sape incarne le mode d’expression d’une génération en rupture qui impose ses codes et transforme la mode en spectacle populaire pour mieux changer le monde, le temps d’un instant.
Laisser un commentaire