Une rue sablonneuse quelque part dans le quartier Kingouari à Makélékélé, un arrondissement du sud de Brazzaville. Un bar à ciel ouvert : Boucherie la référence. Sur la devanture, un décor des chaises bien classé attend les invités, sur de hauts murs peints en bleu, un panneau dessiné par un artiste anonyme: Le Quartier d’abord, un slogan imposé par un ancien guerrier, décédé y’a quelques années, des messages vantant son enthousiaste à la sape devenu plus qu’une mode, un art très contemporain.
Ce dimanche, il est plus de 20 heures et la piste improvisée en ring est bondée. Dans cette débauche de couleurs et de styles, les femmes ne sont pas exclus, mais jamais de pagne, terme banni du vocabulaire des sapologues. Pour les hommes, le costume-cravate avec pochette assortie est de rigueur. Les vestes sont boutonnées, le cheveu coupé très court. Quand le crâne n’est pas complètement rasé afin de masquer une calvitie naissante, voire bien avancée. A chaque arrivé des invités, les sapeurs s’identifient sur la liste improvisé par un Jury, 2000 Franc CFA la participation ceci pour départager le meilleur sapeur grâce au trophée exposé.
Mais alors que la ville tout entière ou presque suit le champenois européen du football, ici, point de téléviseur. À La Boucherie la référence, on boit et on renverse de la bière pour plébisciter son champion et, surtout, on se laisse porter par la musique des deux rives du fleuve Congo. Sans discontinuer, la piste sablonneuse est prise d’assaut par des danseuses et danseurs aussi inspirés qu’expérimentés. Toutes générations confondues, tirés à quatre épingles, ce sont visiblement des adeptes de la « sapologie ».
Certains invectivent leurs « concurrents » pour prouver qu’ils sont meilleurs qu’eux. Car si les sapeurs s’enorgueillissent d’appartenir à une même « société », ils se querellent souvent. C’est à qui sera le plus original, le plus « class », le plus influent, le plus séduisant… Leprince deBrazza, jeune sapeur sous les applaudissements étonne le public. Il vient de quartier adverse nord de Brazzaville, à Talangaï, bien sapé, sur un ton bien rodé « la Sapologie na pas de frontière… Nous ne sommes pas des clowns. Le sapeur symbolise le beau, la joie de vivre, la fête, l’unité. Il incite à la beauté, à la propreté, à oublier les mauvais cotés de la vie ».
Après son discours dont chaque adepte passe à tour de rôle, une musique de leur choix les accompagnent: La vie est Belle du musicien papa Wemba est le plus demandé. Ils retroussent leurs pantalons, vestes… dont l’envie de vaincre s’illumine dans leurs enthousiastes. Il est 22h passé mon téléphoné sonne, impossible pour moi de poursuivre le chaud et de connaître le vainqueur de la soirée.
Baudouin MOUANDA